
Le Bois de l'Esper (commune de Jaure, 24) : restaurer une forêt diversifiée à l'échelle d'une parcelle de 6 hectares

Carte d'identité
Entreprise
- Commune
- Intercommunalité
La démarche en bref
La commune a transformé une parcelle forestière exploitée de presque 6 hectares en un projet de forêt diversifiée avec l’entreprise Créateur de Forêt. Le site, divisé en zones, inclut une zone de libre évolution, bosquets, un arboretum, haie champêtre et une mare réaménagée. Le projet, protégé par une Obligation Réelle Environnementale (ORE), intègre des aspects pédagogiques et de réemploi. Plantations et aménagements ont mobilisé habitants et établissements scolaires. Un an après, le taux de mortalité des plantations est faible, avec une repousse naturelle observée. Des suivis environnementaux sont assurés par divers partenaires, révélant 135 espèces différentes.
Acteurs
Commune de Jaure
et aussi : , Association SOS Forêt Dordogne, ASPPI 24, la CdC Isle Vern Salembre (liste non exhaustive)
Les investisseurs via Créateur de Forêt (entreprises et particuliers), la CDC Biodiversité à travers l’appel à projet « Nature 2050 », la Région Nouvelle-Aquitaine.
La commune, Créateur de Forêt et SOS Forêt Dordogne.
Contexte
La parcelle de 59 800 m² était précédemment dédiée à l’exploitation forestière. Elle est tombée dans le domaine public en l’absence d’héritier. La commune ne souhaitait pas exploiter cette parcelle avec de la monoculture de pins, mais au contraire elle désirait favoriser la diversité et valoriser la forêt de Dordogne. Une coupe rase ayant été réalisée sur le site, les possibilités restaient ouvertes quant aux perspectives du devenir du site. La commune en cherchant des solutions pour aménager le site a fait la rencontre de l’entreprise Créateur de Forêt, de cette rencontre est né le projet au sein du Bois de l’Espèr. L’entreprise a conseillé à la commune propriétaire du terrain de contracter une Obligation réelle environnementale (ORE) qui permet d’engager une protection durable, ici 99 ans, et environnementale sur un site et ainsi assoir le projet sur la durée.
Objectifs
Pour restaurer une forêt diverse, en tenant compte du passé et de la composition du site, il a été choisi de le diviser en plusieurs zones. Une zone est maintenue
en libre évolution sur 1.2 hectare, de jeunes pousses s’étaient déjà développées naturellement. Sur les 4.7 autres hectares, 2948 arbres et arbustes ont été plantés, dont 28 essences différentes issues du label végétal local. Au sein de ces 4.7 hectares, une ancienne prairie exploitée a été plantée avec une faible densité. C’est à cet endroit qu’un arboretum a été installé, à proximité une mare existante a été réaménagée.
Tout au long du projet, une visée pédagogique a été mise en avant, à travers l’arboretum, mais également à travers l’installation de panneaux pédagogiques qui évoquent la biodiversité en place. Pour donner à voir le projet, un sentier de randonnée traverse le site.
Les porteurs du projet ont également eu la volonté de favoriser le réemploi. Par exemple, les filets de protection des jeunes plants sont d’anciens filets utilisés par l’activité ostréicole. Les tuteurs qui maintiennent les plants sont issus de chutes de bois utilisé dans la construction de cercueil, fournis par l’entreprise Bernier Probis.
Mise en œuvre des actions
Après la validation du projet par le conseil municipal en juillet 2022, Jean-Claude Nouard, ancien technicien des Eaux et Forêts et écologue, a identifié les essences locales à planter en fonction du climat, d’aujourd’hui et de demain, et du sol.
L’obligation réelle environnementale (ORE) a été signée le 19 janvier 2024 avec:
- la commune de Jaure, propriétaire du terrain,
- Créateur de forêt, qui est cocontractant,
- l’association SOS Forêt Dordogne, en tant que garante des obligations réciproques.
Lors de la plantation l’équipe projet s’est appuyée sur les équipes de l’association d’insertion ASPPI 24, mais également sur des habitants bénévoles, des élèves des lycées agricoles de Montbazillac et de Coulounieix-Chamiers. Afin de créer des abris pour la petite biodiversité, des haies sèches ont été constituées à l’aide de branches mortes restées sur place, ainsi qu’une haie champêtre, qui borde le terrain. Des tables de pique-niques et des hôtels à insectes complètent l’aménagement du projet.
La communauté de communes est intervenue en restaurant la mare existante en mauvais état.
L’entretien du site a lieu deux fois par an et consiste principalement en un débroussaillage.
Résultats
Un an après la plantation, il a été constaté un faible taux de mortalité. Pour valider ce constat visuel, un comptage a été réalisé en avril 2025. Il a été observé une repousse naturelle, notamment sur la zone de libre évolution. Toutefois, une différence de survie a été observée entre les différentes espèces d’arbres, par exemple, le taux de mortalité des chênes verts plantés est important, alors que les châtaigniers sont bien repartis. La forte humidité du sol peut expliquer la mortalité de certains plants, humidité due à l’exploitation forestière du site qui a tassé les sols. Les suivis environnementaux sont importants pour mettre en avant les avancées
du projet, notamment en matière de biodiversité. Pour assurer les suivis, les partenaires sont multiples : le suivi botanique est assuré par EBC 24, le suivi ornithologique et le suivi amphibien sont assurés par la LPO et le suivi de la fonge est assuré par Guillaume Eyssartier. Pendant cinq ans, les synthèses des suivis sont fournies aux particuliers et aux entreprises qui ont investi sur le projet. Suite aux différents inventaires 135 espèces différentes ont pu être observées.
Facteurs de réussite
Un des facteurs de réussite du projet est le rôle moteur de la commune et notamment du maire. La commune a réussi à fédérer et à mobiliser les habitants autour du projet. La protection sur le temps long a convaincu sur la pérennité du projet et à accentuer la mobilisation. Le fait d’avoir rassemblé les habitants, les lycéens, les écoles de la commune autour du projet, une appropriation du site s’est créée. Les lycéens intervenus lors de la plantation ont marqué un grand enthousiasme et ont même évoqué que c’était « leur » projet. Les écoliers ont souhaité revenir.
Pour que cette mobilisation se concrétise et se traduise en prise de conscience des enjeux de la préservation de la biodiversité. Le temps de plantation a été complété par un temps de sensibilisation, auquel a participé, par exemple, l’association « pour les enfants du pays de Beleyme » en proposant des ateliers sur la biodiversité, la vie du sol, etc. Pour compléter ce volet pédagogique, des panneaux ont été créés en partenariat avec l’association SOS Forêt 24 pour le contenu, Charlotte Péchoux pour le graphisme et ASPPI 24 pour la création des supports bois.
Le sentier de randonnée donne à voir le projet et la commune a pu constater qu’il y avait plus de randonneurs qui passaient sur cette boucle de randonnée.
Freins
Pour Créateur de forêt, il n’y a pas eu de freins quant au déroulé du projet, notamment parce que l’entreprise s’assure du respect de certains critères avant de se lancer dans un projet. Pour qu’elle intervienne sur un projet, la taille du projet doit être de minimum 2 hectares, taille adéquate pour avoir une action réelle sur l’amélioration de la biodiversité et permettre de créer une certaine mosaïque d’espèces. Le plus souvent, il s’agit d’anciennes parcelles agricoles, s’il n’y a pas de repreneur, d’anciennes stations d’épuration, ou tout sol très anthropisé.
Selon la commune, le projet n’a pas forcément rencontré de freins, mais certains élus exprimaient des doutes sur le montage financier du projet, notamment sur le fait que ça ne couterait rien à la commune. L’engagement sur la longue durée 99 ans pouvait également soulever quelques inquiétudes. Le président de Créateur de forêt s’est déplacé deux fois au sein du conseil municipal afin d’expliquer le projet et son montage, de rassurer sur le déroulé de l’opération et d’évoquer le suivi de l’opération sur 5 ans. La confiance s’est installée. Par la suite, la délibération pour l’ORE a été prise à l’unanimité.
Enseignements
L’utilisation de l’ORE est un des premiers exemples dans la région. Cet outil juridique est en effet très peu utilisé, le maire a d’ailleurs été contacté par le Sénat qui était intéressé par son retour d’expérience.
L’entreprise Créateur de forêt a eu besoin de se structurer étant, avant le projet de Jaure, dimensionnée et organisée pour porter des projets d’une taille d’environ 2 hectares. Il a donc fallu qu’elle étoffe ses méthodes de travail, et notamment son organisation du chantier. Par exemple, désormais, une couleur est attribuée à chaque essence, permettant lors de la plantation de retrouver cette même couleur sur le tuteur où doit être implanté le végétal.
Perspectives
Au-delà du plus grand nombre de randonneurs, il y a eu une belle retombée médiatique du projet, avec plusieurs articles de presse. Le maire fait régulièrement visiter le site. La commune attend des retombées en termes de visiteurs et de plus en plus avec la pousse des arbres. Le projet a pour but de vivre de lui-même et d’être un lieu de randonnée et de sensibilisation autour de la biodiversité pour les habitants de la commune et des alentours.