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Parole d'acteur #21 - Yves Jean, Président du CESER Nouvelle-Aquitaine

Publié le 12/04/2024
Temps de lecture : 5 min
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Riche d'un parcours de géographe, universitaire et élu local, Yves Jean est désormais Président du CESER Nouvelle-Aquitaine, depuis janvier 2024. Dans cet entretien, il partage son histoire, ses engagements et ce que représente pour lui cette nouvelle responsabilité.

Le CESER est le Conseil Économique, Social et Environnemental Régional. C'est une assemblée consultative. En Nouvelle-Aquitaine, le CESER est composé de 180 membres. Il émet des avis sur les orientations structurantes pour la région et éclaire l’action publique par ses propositions. Il bénéficie d’une liberté d’expression, tant dans le choix des thèmes qu’il souhaite traiter (autosaisines), que dans sa communication ou son appréciation des sujets qui lui sont soumis (saisines) par le Président du Conseil régional.

Pour commencer, en quelques mots, comment vous présenteriez-vous ?

 Je suis économiste de formation, et je suis devenu par la suite professeur de géographie, car je suis très attaché à la notion d'espace et d’acteurs. 

Je me suis installé dans le sud de la Vienne dans les années 80, et je me suis très vite rendu compte que je n'avais pas la même notion de l'espace et du temps que la plupart des habitants.  Pour mieux comprendre comment les représentations des habitants s’étaient construites au fil de l'histoire, j’ai publié « Le pays montmorillonnais : deux siècles d'histoire d'une société rurale " . Suite à cette publication, je suis devenu professeur en "Géographie humaine et sociale " et j'ai obtenu un poste de maître de conférences à l'Université François Rabelais de Tours.

J'ai ensuite été élu maire dans la commune de Queaux (86) de 1989 à 2008, une très jolie commune rurale de 600 habitants dans le sud de la Vienne, à flanc de coteaux. J'ai inscrit mon action dans le mouvement du développement local en Poitou-Charentes.

En 2000, je suis revenu à l'Université de Poitiers en tant que professeur, là où j'avais été autrefois étudiant. J'ai ouvert un Master de prospective territoriale. Elu doyen de la faculté de Sciences humaines et arts en 2007, j’ai ensuite été élu Président de l'Université de Poitiers d’avril 2012 à fin novembre 2020.

J'ai rejoint le CESER de Poitou-Charentes en 2014 puis le CESER Nouvelle-Aquitaine en 2016 en tant que conseiller. Aujourd'hui, je suis professeur émérite de l'Université de Poitiers et depuis fin janvier 2024, je suis Président du CESER Nouvelle-Aquitaine.

Que représente pour vous le CESER ?

Le CESER, c'est la société civile, représentée au sein de 3 collèges : les représentants des activités économiques (collège 1), des syndicats de salariés (collège 2), et de la vie associative (collège 3) sans oublier un quatrième collège de personnalités qualifiées. 

Le CESER, c’est ce qu'on appelle « l'autre assemblée " de la Région, aux côtés du Conseil régional. La richesse de cette assemblée, c'est la richesse des hommes et des femmes qui la composent, et de ceux que l'on auditionne.

Enfin, je dirais que le CESER, c'est un lieu où on n'enferme pas les personnes dans des cases : les membres de différents collèges apprennent à se connaître en travaillant ensemble. Le CESER fonctionne comme un véritable laboratoire d’idées grâce aux débats approfondis, aux « disputes » au sens du noble du terme qui permettent d’élaborer des consensus et des propositions exigeantes. 

Pour tout vous dire, lorsque j'ai rejoint le CESER Poitou-Charentes en 2014, j'ai découvert une assemblée capable de débattre de manière apaisée de thèmes de société essentiels. Le débat public est aujourd'hui tellement polarisé que c'est un vrai plaisir de pouvoir débattre avec des personnes aux sensibilités différentes, de façon civile dans l’écoute et la considération des arguments de l’autre. C'est selon moi une condition essentielle du débat démocratique. C'est un bel exemple de ce que peut produire la société civile, et qui prouve que l'on est intelligent qu'à plusieurs : on n'est pas intelligent tout seul !

Vous êtes aujourd'hui Président du CESER. Quels sont vos défis ?

En tant que Président, je veux vraiment impulser, avec le bureau, les orientations de l'assemblée pour relever les 4 défis de la mandature, en étant très humble individuellement, ambitieux collectivement et rigoureux sur le plan intellectuel.

Tout d'abord, nous avons le défi de la crise sociale. Je me suis toujours préoccupé des inégalités sociales et territoriales. Le CESER porte cet enjeu avec Néo Societas, à côté de Néo Terra, et avec le rapport " Comment enrayer la fabrique de la pauvreté « qui montre notamment que 15 % de la population vit en situation de pauvreté en Nouvelle-Aquitaine. C'est dramatique !

D'autre part, nous avons le défi de la crise écologique et environnementale. On connaît un dérèglement climatique, avec de fortes inondations, des incendies, des tensions sur l'eau (quantité, qualité et partage) : il faut étudier ces phénomènes.

Par ailleurs, le défi de la révolution numérique et de l'intelligence artificielle est très important. Aujourd'hui, ces phénomènes bouleversent de façon fondamentale notre rapport aux autres, à l'espace, au temps, aux services, aux activités... Tout cela va beaucoup plus vite que ce que l'on pensait.

Enfin, le défi démocratique est primordial. Je souhaite notamment renforcer nos liens avec des instances existantes comme PQ N-A, car vous avez une action notamment dans les quartiers politique de la ville, que nous étudions trop peu au CESER. Je souhaite renforcer nos liens avec les conseils de développement, puisqu'ils sont l'équivalent des CESER à l'échelle intercommunale. Nous devons plus nous nourrir des travaux réalisés dans les territoires et également, favoriser, à partir de nos analyses et préconisations, la mise en débat public dans les intercommunalités.

Quel est votre regard sur la Nouvelle-Aquitaine ? Avez-vous un attachement particulier à cette région, ou à une partie de cette région ?

La fusion des régions n'a pas été simple en 2016, mais je pense qu'aujourd'hui, " la région " existe. Les politiques régionales doivent être attentives à la diversité territoriale. Je trouve que les analyses du pôle DATAR favorisent une connaissance plus fine des réalités territoriales, qui peuvent permettre de faire du cousu main (cf. Les 100 cartes de la région Nouvelle-Aquitaine, atlas édité par la DATAR). Ensuite, c'est la mise en réseau des territoires qui est importante, la coopération transfrontalière aussi.

Pour ma part, je ne suis pas spécialement attaché à un lieu. Ce qui m'importe, ce n'est pas de dire " je suis d'ici " :  ce sont avant tout les personnes que l’on rencontre qui sont importantes.

Qu'est-ce que le développement territorial selon vous ?

Pour moi, le développement territorial, c'est le développement culturel, associatif, économique et social. Le développement territorial, c'est la " Rencontre ". C'est travailler les uns avec les autres (élus, chefs d'entreprises, responsables associatifs, citoyens). 

Si je prends l'exemple du festival organisé dans la commune où j'ai été maire, qui s'appelle " Entre nature et culture " et où je sers la bière le vendredi soir, on y voit se rencontrer des chômeurs, des artisans, des universitaires du coin, des chefs entreprises, des anglais, des belges, des hollandais... Ces rencontres " fabriquent " du lien, souvent source d’initiatives favorisant le développement territorial !

Dans votre parcours, quel est l’échec ou le regret dont vous avez tiré le plus d’enseignements ?

Comme tout le monde j’ai connu des échecs, mais je n’ai pas de regrets. La question c'est : est-ce qu'on transforme ces revers en atout, est-ce qu'on les dépasse ou est-ce qu'on reste bloqué ? Quand ça ne marche pas, je me dis simplement que ce n'était pas fait pour moi et je passe à autre chose !

A l'inverse, quelle est votre plus grande fierté durant votre parcours ?

Je peux dire que je suis particulièrement heureux d'avoir empêché l'expulsion de 12 étudiants doctorants d'origine étrangère en 2012, lorsque j'étais à l'Université de Poitiers, université qui accueille 17% d’étudiants internationaux venant de 120 pays, véritable richesse pour la communauté universitaire. Ces étudiants avaient reçu des obligations de quitter le territoire, mais j'ai pris l'engagement de tout faire pour ne pas qu'ils soient expulsés, et on a réussi. J'ai travaillé avec les services de l’Etat pour obtenir la mise en place de permanences pour aider les étudiants étrangers à bien remplir leurs papiers.

Sur un autre registre, j’étais satisfait de ce que nous avons fait dans le village de Queaux, avec les habitants, les élus et les associations. Dans une commune de 600 habitants, nous avons créé une Maison d'Art et du Terroir, une résidence d'artistes et la commune était connue pour son dynamisme associatif qui a permis d'attirer de nouveaux commerçants (bouchers, garagiste, peintre..). Mon rôle en tant qu'élu était d'être un ensemblier, d'être ouvert, à l'écoute, et de transformer les idées en réalité.

Si vous deviez résumer votre parcours, que diriez-vous ?

Je dirais que j'ai eu beaucoup de chance d'avoir la confiance des électeurs de mon village, celle de la communauté universitaire et celle de l’assemblée du CESER. Je dois beaucoup aux autres. Je dis souvent qu'on n'existe que dans les rencontres avec les autres : on n'existe pas tout seul. Mon parcours le prouve !

Quel(s) message(s) souhaitez-vous faire passer aux acteurs régionaux et professionnels du développement territorial ?

Cultivons les réseaux ! Il ne faut surtout pas rester dans l'entre-soi. Il faut prendre au sérieux ce qui nous surprend et prendre au sérieux les idées qui ne sont pas les nôtres. C'est tout l'intérêt du CESER. Tous les conseillers le disent en arrivant : ils ont tous des réseaux professionnels différents, très " entre-soi ", mais au CESER, les barrières se lèvent, on se mélange, et cela crée une vraie richesse.

Pour finir, que représente PQN-A pour vous ?

PQN-A, c'est une vraie expérience sur les quartiers politique de la ville et sur les Pays. Je souhaite sincèrement voir comment nous allons pouvoir renforcer nos liens. Ce qui m'intéresse dans PQN-A, tout comme dans les conseils de développement, c'est que l'on puisse à l'avenir davantage se nourrir de l'expérience que l'on vit dans les territoires. Je souhaite que les commissions auditionnent PQN-A sur des sujets, et que l'on puisse faire appel à vous pour nous conseiller sur des expériences à aller voir, sur des territoires à connaître.

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